Bonjour, je m'appelle Sabine et j'ai créé ce blog pour publier les articles écrits par mon fiancé Jeff, un citoyen texan. En mars 2002, durant sa 27e année, il a été condamné à 40 ans de détention pour des crimes qu'il n'a jamais commis. La prison, ce n'est jamais facile. Mais être un homme innocent en prison, c'est tout simplement un cauchemar... Néanmoins, à travers les articles qu'il m'envoie et que je publie sur ce blog, il aime partager ses écrits venant de son cœur, un cœur qu'il a choisi de consacrer pleinement au Seigneur Jésus-Christ. L'injustice qu'il vit depuis si longtemps n'a pas changé cette décision. Notre prière est que les messages de ce blog puissent vous encourager, enrichir votre vie et vous permettre de mieux comprendre les voies de Dieu et peut-être même vous mettre au défi de sortir de votre propre zone de confort.

8 juin 2015 – Rétablir la norme "standard"

Gilbert est l’un de mes meilleurs amis. Quand je repense à mon premier jour de travail à l’unité Wynne en juin 2012, j’ai le souvenir de son visage amical au moment où il m’indiquait mon chemin dans ce nouvel environnement qui m’était alors tout étranger. J’avais vécu pendant 9 ans ½ dans une autre unité, donc arriver dans cette nouvelle unité m’avait vraiment fait l’effet d’un choc. 

Gilbert était un fervent sataniste dans le passé. Il a passé beaucoup d’années de sa vie dans un département de ségrégation, seul dans une cellule 23h par jour, ceci en raison des choix qu’il avait faits plus tôt dans sa vie. Mais ce n’était pas là le Gilbert que j’ai rencontré. Car ce Gilbert-là était si joyeux et rempli de vie. Il avait donné sa vie à Christ six mois auparavant et il était "en feu". Sa joie et sa passion pour Jésus n’ont fait qu’augmenter ces trois dernières années.
En août 2013, Gilbert a été choisi, tout comme moi, à faire partie des cinq responsables fondateurs de notre Ecole de Leadership et de Transformation ici à l’unité Wynne. Affiliée à l’église Bethel de Redding en Californie, cette école a eu un effet énorme sur la vie à Wynne et nous sommes convaincus que le meilleur reste à venir.

Johnny est le frère cadet de Gilbert. En 2003, lui et Gilbert ont été condamnés pour le meurtre d’un couple près de Corpus Christi au Texas. Un soir, des menaces et une altercation entre ce couple non invité à la soirée d’anniversaire de la fille de Gilbert ont mal tourné : deux personnes sont mortes et tant de vies ont été changées pour toujours. C’est un jour que Gilbert et Johnny changeraient en une seconde. Non seulement parce que les deux frères purgent actuellement une peine à perpétuité pour ces décès, mais aussi parce que maintenant que leurs cœurs ont été brisés par un amour qu’ils ne connaissaient pas auparavant, ils regrettent vivement toute la souffrance qu’ils ont causée.

J’ai rencontré Johnny en décembre 2013 quand il est venu à Wynne pour rendre visite à Gilbert durant une fin de semaine. Des membres de famille directs qui sont tous les deux en détention sont autorisés à se rendre visite une fois par an, bien évidemment uniquement s’ils n’ont pas de dossier disciplinaire ou d’autre problème de sécurité à leur actif. Si les deux personnes sont du sexe opposé, ils ont le droit à une visite de deux heures l’un avec l’autre par an. Mais s’ils sont du même sexe, ils ont le droit de passer toute une fin de semaine ensemble dans l’une ou l’autre unité dans laquelle ils sont détenus. C’est pourquoi Johnny est venu depuis l’unité de Palestine au Texas dans laquelle il purge sa peine, à environ 1h ½ de Wynne.

Il s'avère qu’il n’a presque pas pu venir. Il a dit à sa mère : "Je ne sais même pas y aller si tout ce dont il va me parler sont des trucs de religion. S’il commence avec cela, je vais tout simplement lui dire de se tenir éloigné de moi avec ce sujet." Je suis si heureux qu’il ait choisi de venir parce que Dieu avait vraiment rendez-vous avec lui pour lui offrir le plus beau cadeau de Noël qu’il ait jamais reçu. Non seulement il allait passer le weekend avant Noël avec un membre de sa famille, mais son cœur allait s’ouvrir au plus merveilleux amour qui soit et à une famille comme il n’en avait jamais connu jusque-là.
Nous avons décidé d’être simplement nous-mêmes avec lui. 

Il a été complètement bouleversé par l’amour qu’il a vu parmi nous. Il n’avait jamais rêvé de voir quelqu’un aimer son frère Gilbert autant que lui, mais en nous et parmi nous il a vu un amour presque incompréhensible. Gilbert l’a amené à l’église le samedi soir parce que notre groupe de louange conduisait le temps de louange. Gilbert chante et danse occasionnellement un peu de sa manière très unique au sein du groupe de louange que j’ai l’honneur de diriger une semaine sur deux. Lors  de l’appel lancé ce soir-là, Gilbert a mené Johnny vers moi pour que je prie pour eux deux. Cette prière et celle de Paul Lin qui a prié la nuit suivante sur leur bloc avant que Johnny reparte l’ont dérouté alors qu’il se demandait : "Comment est-il possible que ces hommes prient toutes les choses que j’avais déjà dans mon cœur ?"

Quand Gilbert et lui retournèrent à la cellule qu’ils avaient occupée ensemble pour la fin de semaine, Johnny s’assit sur le sol, la tête baissée.
"Qu’y a-t-il, frangin ?" lui demanda Gilbert.
Sa seule réponse fut : "Eh bien mon gars, Paul est une bête !" Tant de chose se passaient en lui et cette expression qui en jargon pénitentiaire signifie que Paul était extraordinaire était simplement sa manière d’exprimer un peu ce qu’il vivait. Plus tard, Gilbert partagea l’histoire du fils prodigue avec Johnny en la racontant avec ses mots, et pour la première fois de sa vie Johnny entendit qu’il y avait toujours de l’espérance pour lui. Il a presque sauté dans les bras de son frère avec joie lorsqu’il prit conscience de ce que signifiait le fait que Dieu attendait simplement de l’accueillir dans sa maison et de lui restituer tous les privilèges de fils dans sa vie ! Johnny quitta Wynne le lendemain matin aux environs de 2h30.

Son parcours fut quelque peu "rocailleux" après son retour à Palestine. Il se sentait seul et ne savait pas bien à quoi ressemblait la vie avec Christ. Il toucha encore à la drogue et à la boisson (oui, ces choses existent dans les prisons), mais il se sentait désormais sous la condamnation pour ce genre de choix. Il voulait vraiment vivre différemment. Il ne se souvenait pas s’être jamais senti de la sorte auparavant.
Il avait simplement besoin de quelqu’un pour l’aider… quelqu’un avec qui il pourrait tout partager. 

Il demanda à un homme de l’église nommé Alex s’il connaissait quelqu’un qui pourrait l’aider. Alex dit : "Connais-tu George?". Il avait vu cet homme-là dans le passé dans sa cellule en train de lire sa bible, mais ne lui avait jamais parlé. Il avait une fois essayé de lui proposer sa revue "National Geographic", mais cet homme avait été assez grossier. Johnny avait pensé qu’il s’agissait peut-être simplement d’un solitaire, mais plus tard il l’avait vu à l’église en interaction joyeuse avec tout le monde, ce qui  l’avait laissé un peu confus. 

Alex les présenta l’un à l’autre peu après. Malgré cela il fallut encore un peu de temps à George pour être chaleureux avec Johnny, mais une fois qu’il vit combien Johnny était sérieux avec sa marche en nouveauté de vie avec Jésus, ils commencèrent à se rendre ensemble aux célébrations. Bientôt Johnny raconta sa vie à George et tous les changements personnels qu’il était en train d’expérimenter depuis le fameux weekend à l’unité Wynne. 

George était un chrétien de longue date, mais s’était éloigné de la foi lorsque son frère mourut. Il s’était mis en colère et avait cassé tout un lot de fenêtre de la prison, se condamnant lui-même à un temps en ségrégation. Cela faisait peu de temps qu’il avait reconsacré sa vie à Christ et repris le contrôle de lui-même. Il n’avait toujours pas d’argent à disposition parce qu’il était toujours endetté de plusieurs centaines de dollars pour la réparation des fenêtres cassées. C’est pourquoi il n’avait jamais les moyens de s’acheter quoi que ce soit du "magasin" de la prison. Johnny prit alors l’habitude de lui acheter des choses et de partager avec lui tout ce qu’il possédait. 

George se trouvait avec Johnny le jour où ce dernier fut baptisé par le Saint-Esprit. Johnny raconte que pendant que le prédicateur délivrait son message, ses mains se levaient d’elles-mêmes et "qu’il se mettait à louer Jésus comme un commissaire-priseur".
"Mon gars, tu as vraiment l’Esprit Saint" lui dit George avec une attitude toute enjouée et tout en serrant Johnny dans ses bras, en lui faisant un grand "hug d’ours". Johnny pleurait tout en étant à la fois choqué et heureux en raison de ce qui se passait, et tous deux retournèrent au bloc avec des sourires allant d’une oreille à l’autre. 

Le fait d’être rempli de l’Esprit Saint poussa réellement Johnny vers de nouveaux sommets dans sa marche. Il était saisi de profonds remords pour les deux décès qu’il avait causé en 2003 et sentait qu’il avait voulait, ou qu’il avait besoin de faire quelque chose pour racheter la destruction qu’il avait engendrée.
"Mon frère, je vais aider les gens le restant de ma vie" est une promesse qu’il fit à George un jour alors qu’ils parlaient ensemble de tout cela… La seule réponse de George fut un silence stoïque. Et ce n’est pas là une réponse aussi étrange que cela en prison. Parfois il n’y a simplement pas de besoin de verbaliser ce qui a déjà été compris. 

Six mois plus tard, George avait quitté la prison. Il partit de nuit sans prévenir. Il s’avère qu’il avait obtenu la liberté conditionnelle, mais qu’il n’avait pas voulu que quiconque le sache.  

Quelques jours après ce départ, Alex rencontra Johnny.
"Hé, es-tu sûr que George est parti ?" demanda Alex.
Johnny répondit : "Ouais. J’étais là quand il est parti."
"En es-tu absolument sûr ?"
"Ouais, mon gars. Il est parti. Pourquoi donc ces questions ?"
"Johnny, est-ce que George t’a parlé de sa famille à un moment ou un autre ?" En entendant cette question, Johnny eut l’impression que pour quelque raison Alex cherchait à lui tirer quelques vers du nez. Peut-être qu’il voulait l’adresse de George ou quelque chose de ce genre.  Mais George ne lui avait jamais donnée.
"Non, il n’a jamais rien dit." George avait contribué à l’action menant Alex à Christ des années auparavant, donc Johnny lui pardonna son insistance et sa recherche apparente d’une information dont Johnny ne disposait tout simplement pas. Finalement, Alex s’expliqua. 

"Johnny, George est venu me parler dans la chapelle peu après ton arrivée ici. Il pleurait et luttait avec lui-même par rapport à quelque chose de vraiment grand…"
Il s’avèrait que George n’était même pas son vrai prénom. C’était celui de son frère. Il avait commencé à utiliser le prénom de son frère après le décès de ce dernier. Au moment de ce décès, il avait juré qu’il tuerait les auteurs de ce crime si jamais son chemin devait croiser le leur.
"Johnny, George m’a dit ce jour-là que tu étais l’un des hommes ayant tué son frère, le VRAI George. Il ne voulait pas que tu le saches. Il avait peur que tu le traites différemment si tu avais su."

Une fois que George rencontra Johnny, l’Esprit de Christ s’était déjà saisi de lui (Georges) et avait opéré des changements, ôtant tout désir de vengeance de son cœur. Quand il reconnut que Johnny était lui aussi devenu "une nouvelle créature" en Jésus, il ne put simplement pas faire quoi que ce soit pour le blesser. Ainsi, tout au contraire, il l’aima. Il l’aima comme il avait aimé son propre frère.
"Alex, dis à Johnny que je lui ai pardonné. Je sais qu’il est sincère et vrai dans sa nouvelle vie avec Christ," avait dit George.

Dans une lettre envoyée à Gilbert en septembre l’an dernier, Johnny a écrit : "Je lui ai même dit combien j’avais de la peine à me pardonner à moi-même ce que j’avais fait, mais lui m’avait déjà pardonné… Il est un frère en Christ tel que je peux seulement espérer l'être."

Le pardon rétablit ce qu'on pourrait appeler la "norme standard". Le pardon libère le coupable de toute punition que son péché légitimement mérite. A la racine du mot "pénitentiaire" se trouve le mot "pénitence". Le but originel des centres pénitentiaires étaient d’écarter un homme et de le confiner à un endroit dans lequel il pourrait reconnaître ses erreurs et vraiment s’en détourner.
Au stade de la repentance, la seule réponse correcte est celle du pardon. C’est là faire écho à l’exemple de Jésus quand il dit : "Tes actions méritent la mort, mais au lieu de cette dernière je choisis l’amour. Je choisis la vie."

Nous avons appris à dire : "Je pardonne, mais je n’oublierai jamais." Je suis si reconnaissant que Jésus ne pense pas comme nous. Pour un Dieu doté d’une mémoire qui s’étend d’une extrémité de l’éternité à l’autre, c’est extraordinaire de l’entendre dire qu’il va ôter nos péchés et l’écarter de nous aussi loin que l’Est est écarté de l’Ouest (Psaume 103.12) et précipiter toutes nos iniquités dans les profondeurs de l’océan (Michée 7.19).

Bien qu’il ait le droit légitime d’exiger de nous le paiement de notre rançon, il choisit au contraire de redéfinir, de rétablir la norme "standard". Alors qu’il pourrait nous traiter comme des ennemis, il nous aime comme ses fils. Quand tout ce qui nous concernait a retourné  son estomac de dégoût, il a regardé au plus profond de notre cœur, à la recherche d’un trésor profondément enfoui. Il a regardé au-delà de la saleté de notre cœur et a vu une image de lui-même très bien cachée.

Le pardon rétablit la norme "standard" de Dieu. Il ne s’agit pas simplement de ne pas haïr. Il s’agit d’aimer. Jésus le fait avec nous chaque jour.
Et, confronté à tout ce qui le poussait humainement dans la direction opposée, George l’a fait aussi. Il a rétabli la norme standard. Et il l’a fait avec amour.

Johnny n’a jamais ni revu ni entendu quoi que ce soit de George. Mais le cadeau que George lui a laissé continue d’affecter chacun de ses moments d’éveil. Même s’il n’a laissé ni son adresse ni même son vrai nom, ce qu’il a laissé, c’est ce à quoi Johnny va consacrer le reste de sa vie.

La première pensée de George était de causer la mort, mais il a finalement choisi d'apporter
plutôt la vie.
Et c’est le genre de vie qui ne cesse jamais de donner !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'hésitez pas à commenter en français, Jeff maîtrise bien cette langue!