Je me suis trouvé assis aujourd'hui avec trois hommes à mes côtés à table dans le dortoir des hommes de l’unité hospitalière de Galveston. La table représente un luxe dont nous ne disposons pas dans nos unités d’assignation respectives. Il s’agit d’une table en bois mesurant environ 1,5 x 1,2 m et comportant quatre chaises au revêtement matelassé réparties autour d’elle. Nous utilisons cette table pour les repas, pour la rédaction de lettres ou la socialisation.
C’est la fin de semaine, donc pas de rendez-vous médicaux ni d’opérations chirurgicales et le dortoir est rempli d’une trentaine d’hommes, ce qui donne pas mal de temps pour converser et apprendre à connaître les uns et les autres.
Les hommes assis à mes côtés parlaient tous l’espagnol. Ceux d’aujourd’hui étaient tous du Mexique et tout simplement très différents des hommes rencontrés durant ces quelques dernières semaines.
Leurs propos sont vulgaires et leurs cœurs semblent spécialement endurcis. Même quand j’épice la conversation avec le sujet de la bonté de Dieu, j’obtiens généralement des regards fixes mais vides en retour, jusqu’à ce que quelqu’un commence le récit d’une autre histoire qui glorifie les drogues, la violence et le sexe.
Cette semaine a été la plus difficile d’entre les quatre presque déjà passées ici. Et pourtant, il y a toujours un message de Dieu qui attend simplement d’être entendu, en toute circonstance !
Aujourd’hui, je l’ai entendu au travers de Juan. Il mesure environ 1,87 mètre, est chauve et a probablement tout juste un peu plus de 40 ans. Son anglais est correct, mais il est clairement plus heureux lorsqu’il parle espagnol.
Et il aime parler.
Une fois que Juan est lancé dans un récit, il peut parler pendant une heure sans même sembler prendre le temps de respirer. C’est une conversation aisée vu qu’il n’y a pas besoin de s’inquiéter quant à comment répondre. Juan ne laisse pas d’opportunité pour une chose aussi triviale qu’un véritable dialogue.
Mais il y eut aujourd'hui quelque chose de profond que Dieu a voulu que je capte au milieu d’une phrase de trente minutes. Les propos de Juan étaient devenus légèrement racistes alors qu'il commençait à parler de la supériorité de «La Raza» (un mot de la rue pour parler des Hispaniques) en prison et de la façon dont La Raza «dirigeait ce dortoir». C'est un concept de prison ridicule qui semble encore plus stupide dans un cadre comme un hôpital pénitentiaire plein de malades. Il se vantait essentiellement du fait que les Hispaniques étaient en quelque sorte aux commandes et que les Noirs et les Blancs ne pouvaient rien y faire.
Dans un premier temps, je fus choqué. Bien qu’autour de cette table, nous étions tous en train de parler l’espagnol, je suis pour ma part clairement blanc. Mon nom est anglais, ma peau est blanche. Un pur gringo, de race blanche.
Bien que je m’identifie très aisément aux personnes parlant l’espagnol, la plupart d’entre eux voient premièrement ma race et sont très étonnés puis m'acceptent progressivement et graduellement lorsqu'ils m'entendent parler l’espagnol sans aucun accent américain.
Mais ce n'était vraiment pas le cas avec Juan. Il m'avait pleinement accepté comme l'un des siens, à tel point qu'il m'a laissé entrer dans sa culture carcérale par son côté raciste et méchant. Pourquoi avait-il fait cela ?
Et soudain j'ai compris ; cela m’a frappé comme une pierre.
Juan est totalement aveugle ! Il n’avait tout simplement pas pu voir que j’étais blanc.
Je vous laisse tirer vos propres conclusions.
Jeff
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