Bonjour, je m'appelle Sabine et j'ai créé ce blog pour publier les articles écrits par mon fiancé Jeff, un citoyen texan. En mars 2002, durant sa 27e année, il a été condamné à 40 ans de détention pour des crimes qu'il n'a jamais commis. La prison, ce n'est jamais facile. Mais être un homme innocent en prison, c'est tout simplement un cauchemar... Néanmoins, à travers les articles qu'il m'envoie et que je publie sur ce blog, il aime partager ses écrits venant de son cœur, un cœur qu'il a choisi de consacrer pleinement au Seigneur Jésus-Christ. L'injustice qu'il vit depuis si longtemps n'a pas changé cette décision. Notre prière est que les messages de ce blog puissent vous encourager, enrichir votre vie et vous permettre de mieux comprendre les voies de Dieu et peut-être même vous mettre au défi de sortir de votre propre zone de confort.

9 avril 2020 – Un nouveau traitement

    Je suis en chimiothérapie depuis août 2019. Au début, on m'a donné une combinaison de deux médicaments qui m'a rendu très malade, a fait tomber tous mes cheveux et a donné à l'eau un goût si mauvais que je ne pouvais presque plus en boire. J'avais constamment des accès de fièvre et des migraines et j'ai perdu plus de 15 kg.
    Quatre mois après le début du traitement, j'ai passé un scanner qui a montré une réduction de la taille de la plupart des cinq tumeurs que j'avais dans l'abdomen. En général, la chimiothérapie a de très mauvais résultats avec les liposarcomes, mais j'ai constamment dit aux médecins que j'avais l'intention de tomber dans les petits pourcentages d'exceptions où l'on observe une réponse complète. Nous étions tous enthousiastes de voir cette réponse, mais mon corps ne gérait pas trop bien cette combinaison de médicaments.
    Par conséquent, les oncologues ont décidé de me faire administrer le médicament principal en tant qu'agent unique, pour voir si nous continuerions à voir une réponse positive, c’est-à-dire une réduction de la taille des tumeurs. J'ai pris trois mois de plus de ce médicament en monothérapie et j'ai été ravi de constater que je n'avais pratiquement aucun effet secondaire. Mes cheveux ont repoussé, mon appétit est revenu et j'ai repris environ 6 kg.
    Mais malheureusement, un scanner à la fin du mois de mars a montré que l'agent unique ne fonctionnait pas vraiment.

    La plupart des tumeurs avaient légèrement grossi. L'une d'entre elles, juste au-dessus de ma vessie et derrière mon nombril, avait plus que doublé de taille et poussait maintenant douloureusement contre mon nombril. La plus grosse tumeur, bien qu'elle n'ait pas vraiment augmenté de taille, comptait de nouvelles excroissances et semblait suivre désormais la courbure de mon estomac.
    Il était temps de changer de médicament.
    Le 26 mars, je suis allé voir les oncologues de Galveston à l'hôpital de la prison rattaché à la branche médicale de l'Université du Texas. Ils m'ont dit de ne pas paniquer, que ce genre de choses arrive et que nous étions loin d'avoir épuisé toutes nos options à ce sujet. En fait, ils avaient deux idées entre lesquelles ils hésitaient quant à celle à essayer en premier. Dans les deux cas il s’agit de médicaments généralement utilisés pour traiter des cancers du sein. Selon les explications reçues de mes médecins, dans ces cancers-là comme dans le cas des cancers de tissus mous tel que celui dont je suis atteint au niveau de mon abdomen, il s’agit de tumeurs des tissus gras qui présentent donc des récepteurs similaires. Les liposarcomes représentent généralement les plus grosses tumeurs que l'on puisse voir dans le corps humain et elles poussent dans toutes les directions alors que tous les organes de cette zone du corps essaient de rester à leur place.
    Après une vingtaine de minutes de consultation, l'oncologue en chef, le Dr Willis, a fait son choix parmi les deux produits envisagés, décidant d’opter pour celui par voie intraveineuse avant de passer éventuellement à l’avenir à celui qui se présente sous forme de comprimé. Le choix s’est donc porté sur la Doxorubicine Liposomale, ou Doxil.

    Je suis allé à Galveston le lundi 6 avril pour recevoir ma première dose de ce produit. A ce stade de la crise sanitaire mondiale en cours, seuls les détenus traités pour des maladies mortelles sont transportés à l’hôpital pour y recevoir des traitements. Le bus de la prison dans lequel j'ai pris place était presque vide, alors qu’il est généralement rempli de 44 hommes serrés comme des sardines, sans place pour leurs jambes. Nous n'étions que six dans le bus. Quand nous sommes arrivés, tous les agents de surveillance portaient des masques faciaux et la température de chacun d'entre nous a été contrôlée à la sortie du bus.
    À notre arrivée comme c’est le cas désormais, chaque prisonnier a également reçu un masque facial avec l’instruction de le porter pendant toute la durée de notre séjour à l'hôpital de Galveston. Dans notre unité, ils nous ont interdit de porter des masques. A l'hôpital par contre, c'est obligatoire.
    En raison des aménagements réalisés dans le cadre de la pandémie liée au Covid-19, toute l'aile de l'hôpital où nous recevons normalement nos perfusions de chimio a été réquisitionnée pour la prise en charge de patients détenus atteints du Covid-19. Il a fallu réserver des salles dans une zone de la clinique située à un autre étage pour les patients sous perfusions de traitement. De ce fait, nous nous sommes retrouvés à huit entassés dans une chambre avec les infirmières et deux officiers.

    Peu de temps après mon arrivée, on m'a donné une blouse et l'infirmière, une Nigériane du nom de Mme O. (l'une des deux Nigérianes dans cet hôpital se faisant appeler ainsi), est venue accéder à la chambre implantée se trouvant dans la partie supérieure droite de ma poitrine. Ce boîtier permet d’injecter les produits de manière à accéder directement à la veine principale située près de mon cœur, sans passer par des veines plus fines qui n’en supporteraient probablement pas la toxicité.
     Mme O. a pris mon sang et s'est préparée à l'envoyer au laboratoire. C'est la procédure normale avant chaque perfusion. Ils doivent s'assurer que mes valeurs sanguines sont bonnes et que la chimio administrée ne provoquera pas un affaiblissement de mon système immunitaire au point d’atteindre des niveaux trop bas pour permettre une défense adéquate.
    Comme j’allais commencer un nouveau médicament aujourd'hui, on m'avait aussi dit que j'allais avoir besoin d'un échocardiogramme. En effet, ce nouveau médicament, le Doxil, pouvant apparemment causer des dommages cardiaques s'il est administré à des concentrations trop élevées, une échographie cardiaque de base s’imposait afin de garder un œil sur ma santé cardiaque.
     Or c’était quasi prévisible : personne n'avait planifié l'échographie.

    Vers 11h30, Mme O. a commencé à essayer de trouver une possibilité de me faire passer cet examen. À cause du Covid-19, il a apparemment été décidé de suspendre toutes les échographies des détenus du système carcéral, sauf si cela mettait leur vie en danger. Or la réalisation de cet examen était une condition à satisfaire pour permettre la délivrance, par la pharmacie, du produit prévu pour ma nouvelle chimio, et en ce sens ma vie pouvait très bien être mise en danger par la mon administration de ce médicament. De nombreux allers-retours avec les autorités en place ont été nécessaires, mais Mme O. a fini par obtenir gain de cause et le test a donc pu être programmé, mais pas avant 14h30. Mon bus devait partir à 16h30, mais tout laissait comprendre que je n’allais pas pouvoir le prendre.
    Il était près de 16 heures lorsque j'ai passé l’échocardiographie, qui était fascinante à regarder sur le petit écran près de mon lit pendant que mes valves cardiaques travaillaient furieusement pour maintenir la circulation sanguine. Un médecin devait ensuite interpréter les résultats et approuver mon traitement de chimiothérapie.
    C’est à 17 heures que le moment de débuter cette dernière était finalement arrivé et que l’administration du produit a commencé. Les infirmières partent généralement à 19 heures, ce qui leur laissait à peine le temps de s’occuper de l’administration des médicaments préliminaires puis de faire entrer la chimio dans mon corps.
    Les médicaments injectés avant le produit chimio ne sont que des stéroïdes et des médicaments anti-nausée visant à éviter que mon corps ne réagisse de façon excessive à la chimio. Mais j'ai été choqué quand j'ai vu le produit chimio lui-même. Car il n'était pas de couleur aussi claire que pour les précédents. Il avait au contraire une couleur rouge-orange très prononcée.

   Dès que le liquide coloré s’est mis à couler dans les tubes et donc à entrer dans mon sang, j’ai rapidement constaté que quelque chose n'allait pas. Il m’était soudain très difficile de respirer. Puis mes épaules et mes bras ont commencé à me démanger. Je n’ai pu m’empêcher de me gratter et des plaques rouges ont commencé à apparaître. De plus, avec le masque qu’il me fallait maintenir sur mon visage, j’avais l'impression d'étouffer. L'infirmière a passé à côté de mon lit et je lui ai dit que j'avais du mal à respirer. Au début, elle a pensé que je «jouais» peut-être avec elle puisqu'elle venait de me donner une fiche d'information sur le Doxil et ses effets secondaires potentiels, juste quelques minutes avant l'arrivée du médicament.
    Mais dès qu'elle a vu l'éruption cutanée sur mes bras, elle a su que c'était sérieux.
    Soudain, j'ai été entourée d'infirmières qui se sont empressées d'arrêter la perfusion, de cesser l’administration du médicament via ma chambre implantée et de me donner une forte dose d’antihistaminique pour arrêter la réaction allergique évidente que j'avais. 
   Rapidement après l’entrée de ce médicament dans mon organisme, j'ai pu mieux respirer à nouveau. Vingt minutes plus tard, ma tension artérielle était redevenue normale après avoir augmenté en plein milieu de la crise d'allergie.
    Moins d'une heure après ce démarrage difficile, la perfusion avec le produit chimio a été remise en place, cette fois-ci avec un débit d’écoulement réduit de moitié. À 22h30, mon corps avait reçu la dose complète sans autre complication.

   J'ai raté mon bus ce jour-là... et le suivant également, mais heureusement, je suis retourné à mon unité d’assignation le mercredi matin. Juste à temps pour me retrouver en restriction médicale avec les autres hommes de mon dortoir. Il s’agit d’une mesure de confinement de précaution implémentée dans toute prison dont au moins un employé ou un détenu a été testé positif pour le Covid-19. Le but est de limiter au maximum les déplacements de détenus, donc nous ne travaillons plus, n’allons plus à la cantine, n’allons plus tous les jours aux douches, ne nous rendons plus dans la salle de jour attenante à notre dortoir, n’avons plus de moment récréatif dans la cour, ne pouvons plus passer d’appels… Chacun reste dans son espace personnel ou dans sa cellule pour ceux qui ne vivent pas en dortoir.

   J'espère simplement que ce nouveau médicament apportera les résultats que nous espérons. Alors tout ce début chaotique en aura valu la peine !
   
    Jeff

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