Bonjour, je m'appelle Sabine et j'ai créé ce blog pour publier les articles écrits par mon fiancé Jeff, un citoyen texan. En mars 2002, durant sa 27e année, il a été condamné à 40 ans de détention pour des crimes qu'il n'a jamais commis. La prison, ce n'est jamais facile. Mais être un homme innocent en prison, c'est tout simplement un cauchemar... Néanmoins, à travers les articles qu'il m'envoie et que je publie sur ce blog, il aime partager ses écrits venant de son cœur, un cœur qu'il a choisi de consacrer pleinement au Seigneur Jésus-Christ. L'injustice qu'il vit depuis si longtemps n'a pas changé cette décision. Notre prière est que les messages de ce blog puissent vous encourager, enrichir votre vie et vous permettre de mieux comprendre les voies de Dieu et peut-être même vous mettre au défi de sortir de votre propre zone de confort.

3 avril 2020 - Condamnation à mort

J’ai attendu cinq heures pour voir le médecin de l’unité. Elle est nouvelle ici et elle est vraiment aimable et professionnelle, mais la voir prend beaucoup de temps. La première fois que je l’ai vue, elle a passé près d’une heure avec moi alors que nous remplissions un questionnaire médical pour ma demande de libération conditionnelle d’urgence. C’était un effort futile puisque la loi exige en gros que je sois mort ou dans un état végétatif pour pouvoir être libéré en conditionnelle de manière anticipée pour raison médicale.
Après cinq heures d’attente, le médecin m’a appelé. Alors que j’étais assis dans son bureau, elle a commencé par dire : « La raison pour laquelle je vous ai appelé aujourd’hui est que j’ai reçu vendredi un appel de Galveston à votre sujet. » C’était étrange pour plusieurs raisons. D’abord, j’avais en fait pris ce rendez-vous avec le médecin pour obtenir les résultats de mon scanner du jeudi précédent. En outre, je bénéficie du suivi continu d’oncologues dans le cadre de mes traitements en cours, et ce médecin généraliste de l’unité n’a pas vraiment un rôle actif dans ce processus de soins.
  
Par ailleurs, je devais également voir les oncologues à Galveston (à l’hôpital de la prison rattaché à la branche médicale de l’université du Texas) deux jours plus tard.

Cette nouvelle d’un appel à mon sujet n’avait donc pas trop de sens. Et notre rendez-vous venait juste de commencer.
  
« Ils m’ont appelée pour me dire que je devais programmer une biopsie immédiate pour vous cette semaine parce que votre cancer a métastasé dans votre foie et vos os », a-t-elle poursuivi.
  
Je suis des traitements de chimiothérapie depuis sept mois ou plus et cette nouvelle m’a coupé le souffle. Ma vie a défilé devant mes yeux. J’ai senti ma pulsation très fortement au niveau de mes oreilles et mon visage s’est mis à rougir comme si un train de marchandises passait par là. J’avais chaud et j’étais essoufflé, et la voix du médecin a commencé à ressembler à celle de l’enseignante dans le dessin animé de Snoopy et les Peanuts : « Wah-Wah-Wah-Wah-Wah ». J’avais envie de pleurer. J’avais envie d’abandonner. Était-ce vraiment fini ? Cette nouvelle m’avait tout simplement enlevé toute envie de me battre d’un seul coup.
  
Sauf que cette nouvelle n’était pas vraie pour ma situation. 
 
Pendant une vingtaine de minutes après cette déclaration choc, le médecin a continué à me poser des questions sur mon traitement, sur le pronostic, sur le pourquoi de ceci et le pourquoi de cela. À un moment donné, je lui ai finalement dit : « Je n’en ai aucune idée. Je savais ce qui se passait jusqu’à il y a environ vingt minutes, mais ce que vous venez de me dire vient juste de tout bouleverser. Maintenant, je n’en ai plus aucune idée ».
 
Elle m’a alors expliqué que ce ne sont pas les oncologues qui l’avaient appelée. Que c’était un certain Comité de Coordination qui l’avait contactée. C’était la première fois qu’elle recevait un appel de leur part, m’a-t-elle dit. L’appel avait apparemment été suffisamment étrange pour la conduire à passer un appel par la suite pour tout vérifier. Elle avait même parlé au service de radiologie interventionnelle (qui effectue des biopsies) et avait vérifié les informations reçues.
Mais nous en sommes enfin venus aux résultats réels de l’examen de scanner du jeudi précédent.
  
Elle a commencé à lire des informations sur mon foie, qui indiquaient que j’avais quatre petites hypodensités qui étaient « inchangées » par rapport aux derniers scanners.
  — Attendez, lui dis-je. Inchangées ?
  — Cela vous a-t-il frappé vous aussi ? m’a-t-elle demandé.
  — Ça veut dire...
  — ... qu’il n’y a pas de métastase dans votre foie. Je ne comprends pas ce qui se passe.
 
Elle a ensuite continué à lire le rapport qui détaillait toutes les tailles des tumeurs que j’ai dans l’abdomen. La plus grande était restée de la même taille (15 cm x 12 cm x 28 cm), mais avait changé de forme et descendait maintenant le long de la courbure de mon estomac. D’autres avaient grandi et l’une d’elles notamment avait plus que doublé de taille pour atteindre celle équivalente à mon poing. Cette tumeur-là pousse actuellement fortement contre mon nombril, ce qui s’avère parfois assez douloureux.
  
Pendant qu’elle parlait, je prenais frénétiquement des notes. J’avais apporté un dessin (fait par moi-même) des tumeurs et de leur emplacement avec la taille de chacune d’entre elles d’après les scanners précédents. Le médecin m’a dit que je n’avais pas besoin de prendre des notes, qu’elle m’imprimerait une copie des résultats, mais honnêtement, j’avais juste besoin de faire quelque chose pour contrôler au mieux mes pensées alors que des horreurs y défilaient pendant que la dame lisait ce rapport.
 
Elle parvint enfin à la fin du rapport où il est question des os et des tissus mous. Je n’oublierai jamais la ligne qu’elle m’a lue à ce moment-là : « Pas de lésions osseuses agressives ou suspectes. »
  — Il n’y a donc pas non plus de métastase dans mes os, lui ai-je dit, plus comme une affirmation que comme une question.
  — Non, aucune. Ça n’a pas de sens. Pourquoi m’ont-ils appelé comme ils l’ont fait pour vous faire dire quelque chose qui n’est pas vrai ?
 
Elle a été très dérangée par tout cela, comme il était juste qu’elle le fût. De mon côté, j’ai senti un soulagement enfin couler dans mes veines.
  
Il a fallu une minute pour que ma paix revienne, mais je me sentais encore presque anémique et très faible. Je savais que la dernière heure de terreur avait eu un effet très réel sur moi.
  
Pendant ce temps, le médecin a appelé l’hôpital de Galveston et a parlé à tous les services. Personne là-bas ne savait quoi que ce soit quant à un besoin de biopsie en ce qui me concerne.
  
Il n’y avait rien dans mon dossier à ce sujet, pas de notes, pas de prescription, rien.
  
Je ne sais pas si le médecin de la prison m’a confondu avec quelqu’un d’autre, ou si c’est Galveston qui l’a fait. Je ne sais pas si quelqu’un a vraiment des métastases de cancer dans le foie et les os, ou si toute cette situation n’était qu’une grosse erreur.
  
 J’ai été convoqué au cabinet du médecin aujourd’hui pour recevoir une condamnation à mort.
 Je suis juste reconnaissant que cette fois-ci, ce n’était pas la mienne.

 Jeff

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