25 avril 2020 – Les conséquences d’un choix

À un moment donné, à la fin de 1997 ou au début de 1998, j'ai fait un choix. J'avais à peine 22 ans et j'étais à l'université dans le Nord du Texas.
Mon pasteur de ce temps-là et sa femme m'avaient poussé à faire du bénévolat sur un projet qu'ils avaient mis en place par l'intermédiaire de l'église. Je m’impliquais déjà comme assistant dans un cours d'école du dimanche et je leur ai dit à plusieurs reprises que je ne pensais tout simplement pas avoir plus de temps à offrir au vu de mon emploi du temps.
J'étais impliqué dans le ministère baptiste des étudiants sur le campus, je travaillais souvent à plein temps en fonction de mes horaires de cours, et j'avais vraiment besoin de temps pour aller en classe et étudier, puisque c'était le but premier après tout.
De plus, je faisais déjà du bénévolat au refuge local pour sans-abris avec mon amie Paula, et à côté de cela je prenais encore des cours de vol. Si je devais donner davantage, j'allais été complètement dépassé.
Mais ils n'ont pas compris.

Dès qu'ils en avaient l'occasion, ils me parlaient de cet adolescent qui était déjà dans sa sixième année de scolarité et qui ne savait toujours pas lire. Ils me parlaient de sa famille en général, et rien de tout cela ne semblait de très bonne augure.

Tout ce dont ce jeune avait besoin selon eux était d’un "grand frère" qui pouvait l'aider à apprendre à lire et à passer du temps de qualité avec lui pour l'aider à développer son estime de soi et sa vision de son propre potentiel.

Je n'avais tout simplement pas le temps. Mais bien sûr, l'histoire m'a ému.

J'avais déjà travaillé pendant des années avec de tels enfants dans plusieurs pays [d’Amérique Centrale notamment], mais je ne voyais pas comment cela serait possible cette fois-ci. Mais mon pasteur et sa femme n'ont cessé d'insister sur le fait que c'était la solution "idéale". Finalement, après plusieurs semaines de ce va-et-vient, j'ai cédé et j'ai accepté de rencontrer Josh.

C'était une décision qui allait affecter ma vie de façon horrible pendant de très nombreuses années.

Il n'a pas fallu longtemps pour que sa mère fasse une crise alors que je n'emmenais « que » Josh à nos petites sorties, et j'ai donc dû commencer à passer aussi du temps avec son jeune frère. J'ai donc commencé à passer du temps avec son frère cadet, puis avec son demi-frère du même âge que Josh. J'étais également appelé à emmener leur mère à l'épicerie (elle n'avait pas de voiture) ou encore le plus jeune fils de 3 ans chez le coiffeur.
On m'appelait à toute heure, et je pouvais entendre des cris et le chaos à l'autre bout du fil. "Si tu ne viens pas maintenant, je vais tuer quelqu'un", m'a dit un jour leur mère, Katie. Elle parlait des adolescents. J’ai vu la porte d'entrée ouverte en arrivant, et un salon qui ressemblait à une zone de guerre. Des choses jetées partout et même un trou accidentel dans le mur fait de panneaux de gypse où, apparemment, la tête de quelqu'un s’était enfoncée.
C'était un cauchemar, et j'étais complètement dépassé.

Apparemment, même le pasteur ne savait pas à quel point cette situation dans laquelle ils m'avaient poussé par imprudence était vraiment grave.
L'été suivant, juste avant le 14e anniversaire de Josh, il a été surpris en train de tenter de violer son frère de 3 ans. Je l'avais déjà surpris, lui et son demi-frère Richard, d'un âge similaire, en train de se livrer à une conduite sexuelle inappropriée et j'avais coupé tous les liens avec cette famille suite à cela. C'était tout simplement trop pour un étudiant de 23 ans à l'époque.
La police a été appelée au sujet de Josh et de son frère de 3 ans. Puis un appel a également été passé à la mère de Richard. Les adolescents ont pensé qu'ils avaient été dénoncés par rapport à leur pratique incestueuse.
Bien qu'ils avaient déjà accusé au moins quatre autres personnes d'abus sexuels (nous l'avons découvert des années plus tard) et qu'ils avaient un grand-père qui était un délinquant sexuel enregistré sur le registre officiel des criminels de ce type, Katie aurait demandé à Josh : "Est-ce que quelqu'un t'a déjà fait ça avant ? »
Avec son esprit délinquant, il a vu une issue de secours à sa difficulté du moment. "Jeff l'a fait." On n'a pas demandé la même chose à Richard. On lui a simplement parlé de l'accusation et il a réalisé que lui aussi serait tiré d'affaire s’il adoptait la même stratégie. Il est rentré dans la "combine" et ça a fonctionné.
Leur but était simplement d’échapper à des problèmes. Mais la conséquence a été la destruction d'une vie innocente.

Josh a été placé en liberté surveillée pour deux ans. Richard n'a pas eu d'ennuis du tout. Josh purge maintenant une longue peine de prison à l'âge de 34 ans pour viol dans une autre affaire, défaut d'enregistrement en tant que délinquant sexuel et fabrication de preuves.
Pourtant, sa parole m'a valu 40 ans de prison. Or il n'y a aucune preuve qui m’inculpe autre que sa parole. Il ne peut pas y en avoir, puisque tout cela n'était qu'un mensonge absolu.
Dix-huit ans plus tard, je paie encore les conséquences de ce choix simple, innocent, mais peut-être naïf. Je ne pourrai probablement jamais avoir d'enfants—je suis trop vieux. Je n'ai jamais pu me marier. Mes multiples diplômes me semblent être un gâchis. Ma mère a dépensé environ 250 000 dollars de sa retraite pour tenter de payer les frais de mes procédures judiciaires. Je suis en train de rater la croissance de toute une génération de neveux et de nièces, et ne peut être témoin de l'évolution de la vie de mes frères et de mes cousins. Ma mère avait 49 ans quand je suis arrivé en prison. Elle en a maintenant 67 ans. Ma fiancée, Sabine, avait 28 ans quand je l'ai rencontrée en 2007. Elle a maintenant 41 ans.
Tant de temps s'est écoulé. J’ai dû abandonner tant de simples espoirs de la vie alors que je purge une peine de prison pour un crime que je n'ai pas commis.

De plus, en juillet 2016, on m'a diagnostiqué une forme rare de cancer. Il semble avoir été causé par l'exposition à plusieurs produits chimiques agressifs alors que je travaillais dans une salle de produits chimiques pour des produits de nettoyage pendant trois ans, en prison. J'ai déjà subi deux interventions chirurgicales pour l'ablation de deux très grosses tumeurs et j'ai également perdu mon rein gauche. Aujourd'hui, j'ai six tumeurs dans l'abdomen et le bas-ventre, qui me font très mal et menacent ma vie.

Je crois sincèrement que je n'aurais jamais été confronté à ce cancer si je n'avais pas été en prison.

J'ai perdu ma jeunesse et mon avenir. Ma mère a perdu toutes ses économies pour sa retraite à cause de ma situation. J'ai perdu des années avec ma famille et j'ai perdu ma place dans la vie de toute une génération.
Et maintenant, la menace est réelle que je puisse même perdre la vie.
Tout cela à cause d'un petit choix.
Le choix était petit, mais ses conséquences étaient grandes !

Jeff