C'était il y a 17 ans jour pour jour. C'était aussi un jeudi, le 4e jour du procès de Jeff, celui du verdict. Un jour effroyable, douloureux, inoubliable.
En voici un extrait rédigé par celui qui en fut le plus profondément impacté :
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Le 7 mars 2002 me trouva en plein cauchemar. Rien de ce que j’avais vécu jusqu’alors n’aurait possiblement pu me préparer pour ce que j’étais sur le point de vivre. J’étais innocent, pur, intelligent… mais terriblement naïf. J’avais consacré ma vie à aider les autres, mais ce don m’avait mordu pire qu'un serpent venimeux.
"Monsieur le Président, êtes-vous parvenu à un verdict ?" demanda le juge d'une voix rauque à l’aide du microphone tout en chassant l'air de sa gorge déchirée par le cancer.
"Oui, votre Honneur."
L’huissier de justice alla vers le président du jury et saisit le morceau de papier qu’il lui tendait. Aucun des jurés ne me regardait. Je ne le savais pas à ce moment-là, mais j’allais apprendre plus tard que ce n’était pas bon signe.
Je vis le papier être porté jusque devant le juge. Il le prit dans ses mains. Il est étrange de regarder une telle scène se dérouler et de savoir que la suite de votre vie dépend littéralement de ce morceau de papier. C’est surréel. C’est incroyable. C’est terriblement effrayant. Une sensation de chaleur avait gagné tout mon corps et mon esprit était vraiment confus. Je n’arrivais toujours pas encore à comprendre comment j’étais parvenu à ce lieu et à ce moment-là.
Le juge ouvrit lentement le papier plié et en lut le contenu. Vu que je ne pouvais le voir, il aurait pu s’agir d’un flyer pour le prochain film d’animation de Disney, mais la réaction du magistrat fut claire aux yeux de tous. Il abaissa sa tête et la secoua plusieurs fois de droite à gauche. Ce qui était écrit sur cette page n'était clairement pas quelque chose qu'il aimait.
"L’accusé pourrait-il se lever s’il-vous-plaît ?" dit-il après avoir lu le message secret du président du jury. Le secret allait être révélé.
"Pour le chef d’accusation…, nous, le jury, déclarons l’accusé COUPABLE. Pour le chef d’accusation…, nous, le jury, déclarons l’accusé COUPABLE. Pour le chef d’accusation…, nous, le jury, déclarons l’accusé COUPABLE."
Je me retournai pour regarder ma mère. Elle était effondrée. Des larmes coulaient le long de son visage. J’avais tellement chaud dans tout mon corps qu’il m’était très difficile de respirer. Un martèlement commençait à retentir dans ma tête. Un hurlement s’élevait de mon cœur et cherchait à sortir. Il me semblait que mon sang ne parvenait plus à mon cerveau.
Je n'avais même pas parlé de ce procès à mon père. Je n'avais tout simplement pas imaginé me trouver un jour dans cette situation. Les accusations étaient tellement farfelues et totalement sans un quelconque fondement de vérité. Pourquoi lui causer du tourment pour rien ? Il ne comprenait déjà pas très bien le travail que je faisais. Parfois, je n'étais même pas sûr qu'il me comprenait moi. Si seulement j'avais su.
Aujourd'hui, je regrette vraiment de ne pas lui en avoir parlé. J'avais besoin de lui à mes côtés.
"Huissier, placez le prisonnier en détention."
Je n’avais jamais été "prisonnier" auparavant. Je n’avais même jamais eu de contravention. Mais je venais juste d’être déclaré coupable de trois crimes absurdes qui et j’allais être conduit en prison.
J’eus de la peine à comprendre ce qui se passait tout autour de moi. Ce n’est que plus tard que je commençai réellement à assembler les pièces de cette histoire ; que la réalité de ce que je venais d’expérimenter pénétra peu à peu mon entendement. Non pas que cela devint plus facile. J’étais avant tout vraiment sous le choc. J’avais l’impression que ma vie était terminée. Je n’allais pas être mis en prison. J’allais être enterré, placé SOUS la prison. Et tout cela sur la base de mensonges.
J’avais envie de me lever et de crier "Mais c’est ici l’Amérique !" Car une telle chose ne pouvait pas survenir en Amérique. Cela allait à l’encontre de tout ce qu’on m’avait enseigné sur mon pays. A l’encontre de tout ce en quoi je croyais. Mon esprit s'empressait désespérément de trouver quelque chose à quoi s'accrocher. Il me fallait donner un sens à tout cela. Cela ne pouvait tout simplement pas se produire. J’étais conscient de la possibilité d’un verdict de culpabilité par le jury, mais je n’y avais jamais cru. Ils ne mettent tout simplement pas des personnes en prison en Amérique sur la base de mensonges.
C’est du moins ce que je pensais.
Le juge me permit d’embrasser les membres de ma famille pour leur dire au-revoir et de leur remettre mes affaires. Je fus ensuite placé en détention avec mon costume et ma cravate, dans une cellule située à l’arrière de la salle d’audience. Le claquement de la porte en métal derrière moi, la salle vide et froide en béton devant moi me donnèrent mal au ventre. Mais tout à coup, la paix est venue.
Je ne sais pas comment elle est arrivée. Je ne m’y attendais vraiment pas. Je ne l’avais même pas demandé. Mon esprit était si confus et perdu que je n'avais même pas encore été en mesure de reconnaître que j'en avais besoin.
Et pourtant, elle était là.
Soudain, je pus voir plus loin de ce jour-là. Je pus voir un avenir qui n’avait pas été perdu, et cette journée n’était qu’une étape sur la voie vers un projet bien plus vaste. Je me sentis presque joyeux, ce qui n’avait pas de sens.
Je me mis à chanter. En fait, je ne pouvais pas m’arrêter de chanter. Il me fallait louer Dieu. C’est le contraire de ce que mon intelligence me disait, mais c’est ce qui correspondait au cri s'élevant du plus profond de mon être. Loue Dieu ! C’est ce que je fis.
Je le loue encore dix-sept années plus tard. Mais je suis aussi dans l’attente.
Je suis convaincu que quelque chose de GRAND est sur le point d’arriver !
Jeff
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