Bonjour, je m'appelle Sabine et j'ai créé ce blog pour publier les articles écrits par mon fiancé Jeff, un citoyen texan. En mars 2002, durant sa 27e année, il a été condamné à 40 ans de détention pour des crimes qu'il n'a jamais commis. La prison, ce n'est jamais facile. Mais être un homme innocent en prison, c'est tout simplement un cauchemar... Néanmoins, à travers les articles qu'il m'envoie et que je publie sur ce blog, il aime partager ses écrits venant de son cœur, un cœur qu'il a choisi de consacrer pleinement au Seigneur Jésus-Christ. L'injustice qu'il vit depuis si longtemps n'a pas changé cette décision. Notre prière est que les messages de ce blog puissent vous encourager, enrichir votre vie et vous permettre de mieux comprendre les voies de Dieu et peut-être même vous mettre au défi de sortir de votre propre zone de confort.

28 décembre 2015 - Kenneth était mon ami

J’ai appris aujourd’hui que mon ami Kenneth est décédé hier dans un hôpital pénitentiaire. Il est mort dans la solitude la plus totale. Cette nouvelle a brisé mon cœur.
Au moment de son décès, Kenneth Nevill était âgé de 73 ans. C’était un brillant ingénieur et programmeur informatique qui a passé plus de deux décennies en détention. Je ne sais pas ce qui l’a conduit en prison. Cela ne m’importe vraiment pas. Il était mon ami.
Kenneth était souvent entêté et comme bloqué dans ses manières de faire. Sa famille l’avait abandonné depuis des années, mais il essayait désespérément de retrouver sa fille.


En mars dernier, il commença à sentir des changements dans son corps. En dépit de son âge, il réalisait des exercices physiques chaque jour. Il était en très bonne santé, mais soudain il commença à du mal à reprendre son souffle au moment de faire ses exercices. Il demanda immédiatement à voir un médecin, mais sa visite médicale resta sans suite.
En prison, nous sommes souvent plus considérés comme des menteurs que pris au sérieux et c’est particulièrement vrai dans le département médical. Nous travaillons à plein temps sans salaire et sommes obligés de payer des frais considérables pour voir des professionnels de santé, et pourtant il est difficile de recevoir une aide médicale vraiment appropriée quand c’est nécessaire. 

Au fil du temps passé à essuyer des rejets quant à ses demandes d’aide médicale, l’état de santé de Kenneth s’est sérieusement dégradé. Ce n’était qu’une question de peu de temps avant qu’il ne soit plus capable de travailler. Puis il ne fut même plus capable de se rendre au réfectoire pour manger. Il continuait de faire des demandes en vue de voir un médecin, mais même s’il a été envoyé deux fois dans un hôpital local pour une consultation, on le traita comme s’il simulait ses symptômes. Un sergent lui cria même un jour les paroles suivantes au visage après qu’il eût chuté dans le couloir : « Tu ferais mieux de cesser de mentir à mes surveillants ! ». Il ne reçut jamais aucun médicament ou traitement durant tout ce processus tristement comparable à un feuilleton dramatique, et décéda finalement des symptômes qu’il semblait simuler avec tellement de talent.
Gilbert, Chino et moi avons prié de nombreuses fois pour Kenneth en vue de sa guérison. Il ne croyait pas en Dieu ou en Jésus (selon ses propres paroles), mais il était tellement désespéré qu’il n’avait aucun problème à nous laisser prier. Nous nous assurions aussi qu’il ait toujours quelque chose à manger. Quelques jours après l’une des prières en sa faveur, Kenneth s’adressa à Gilbert et lui dit : « Après ce truc de la prière la dernière fois, je me suis vraiment senti bien. Je pense qu’il est temps que j’en reçoive une nouvelle dose. »
Le dernier soir où je vis Kenneth, j’avais parlé à tous ceux que je connaissais pour essayer d’obtenir son déménagement vers le rez-de-chaussée où il aurait au moins la possibilité d’aller manger. Alors qu’il était assis dans notre salle de jour en attente de son « déménagement », il était très faible. Il commença à pleurer et me regarda droit dans les yeux en disant : « Jeff, je ne veux pas mourir. »
Je lui dis de cesser de parler ainsi et de se concentrer uniquement sur le fait de vivre. Il devait être envoyé à l’hôpital de Galveston le lendemain pour voir un vrai cardiologue. Neuf mois après le début de ses symptômes, il allait finalement recevoir de l’aide. 
Tony et moi nous occupâmes du déménagement de Kenneth à l’étage inférieur. Il n’eut presque pas les forces de vivre ce changement. Nous restâmes avec lui un moment, avec la permission du surveillant, pour nettoyer son nouvel espace de vie et préparer son lit. Cet homme stoïque, âgé et entêté eut les larmes aux yeux en nous donnant à chacun une accolade et en nous remerciant pour notre gentillesse.
Ce fut terriblement dur de le laisser là-bas ce soir-là.
Ce fut aussi la dernière fois que je le vis.

Kenneth Welsey Nevill est décédé quelques semaines plus tard dans un hôpital pénitentiaire sans membre de famille auprès de lui, sans ami et sans avoir expérimenté la guérison. Je ne sais pas pourquoi les choses se sont déroulées de cette manière-là. Je peux seulement espérer que l’amour que nous lui avons démontré aura poussé son cœur à s’ouvrir juste un peu au moins pour recevoir le plus grand don qui soit. Bien que nous n’ayons pas vu de guérison physique dans son corps, ma prière est qu’il ait pu autoriser le Père de guérir son âme.
Kenneth est décédé en laissant derrière lui beaucoup de tâches non achevées à sa place de travail dans le département de dépannage informatique, une fille perdue de vue depuis longtemps et des amis à l’unité Wynne auxquels il manque beaucoup.

Monsieur Nevill, tu ne seras jamais oublié. 

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