Bonjour, je m'appelle Sabine et j'ai créé ce blog pour publier les articles écrits par mon fiancé Jeff, un citoyen texan. En mars 2002, durant sa 27e année, il a été condamné à 40 ans de détention pour des crimes qu'il n'a jamais commis. La prison, ce n'est jamais facile. Mais être un homme innocent en prison, c'est tout simplement un cauchemar... Néanmoins, à travers les articles qu'il m'envoie et que je publie sur ce blog, il aime partager ses écrits venant de son cœur, un cœur qu'il a choisi de consacrer pleinement au Seigneur Jésus-Christ. L'injustice qu'il vit depuis si longtemps n'a pas changé cette décision. Notre prière est que les messages de ce blog puissent vous encourager, enrichir votre vie et vous permettre de mieux comprendre les voies de Dieu et peut-être même vous mettre au défi de sortir de votre propre zone de confort.

25 mai 2020 – Je choisis de croire

J'ai peur. Parfois, je suis réellement effrayé. Cela ne signifie pas que j'ai perdu ma foi, mon espérance ou ma paix. C'est juste qu'il y a des éléments concernant mon présent et mon proche avenir que je ne sais pas toujours exactement comment digérer.
Ma douleur est très réelle, et parfois même atroce, tant physiquement qu'émotion-nellement. Malgré tout ce qui se passe, ou peut-être à cause de tout ce qui se passe, les tumeurs dans mon corps continuent de croître. Je n'ai pas besoin d'un examen de scanner pour le savoir. Il n'y a tout simplement pas assez de place pour tout ce qui se passe actuellement dans mon abdomen. Mon côté gauche est distendu car les tumeurs poussent contre la paroi abdominale. Mes côtes me font souvent si mal que je suis sûr qu'elles vont bientôt se briser sous la pression. Aller à la selle et uriner s’avère être horriblement douloureux car les tumeurs poussent contre tous les organes et parties du corps concernés. Une horrible pression autour et en dessous de mon nombril et sur environ 5 cm de chaque côté, me donne l'impression de cacher une brique dans mon ventre lorsque j'essaie de m'allonger.
 Le sommeil vient avec grande peine et le tourment est réel.
 Mais ma paix l'est aussi. Ma joie également.

Oui, je pleure. Oui, j'ai peur. Oui, je me rends compte qu'à moins d'un miracle ou d'une réponse complète des tumeurs au régime de traitement par chimiothérapie en cours et encore à venir, réponse qui serait également un miracle, mon corps ne pourra pas continuer comme ça encore longtemps.
Mais je ne perds pas espoir.
Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas quitter ma famille et ma fiancée. Je ne veux pas voir tout cela se terminer avant qu'on m'ait accordé la liberté d’exercer et de m'épanouir dans tous les dons et les talents que Dieu a placés en moi. Je sais qu'Il m'a béni et m'a appelé à avoir un impact dans ce monde.
Et je le veux tellement. 

Je ne comprends pas toujours comment ces situations particulièrement complexes et douloureuses s'inscrivent dans le « grand schéma » des choses. Je ne sais pas pourquoi, jusqu'à présent, Dieu a laissé ce cancer ravager mon corps ou cette condamnation injustifiée rester si longtemps sans être corrigée. Cela me fait mal, cela me trouble, cela me frustre. Parfois, cela me met même en colère.
Mais cela ne change jamais le fait que je n'ai aucun doute que je peux lui faire confiance. Et quand je dis que Ses voies sont plus élevées que les miennes, ce n'est pas une acceptation fataliste d'une réalité dure et non désirée. C'est plutôt la proclamation d'un fils dont le cœur est rempli, à déborder, d'une espérance inspirée par l'étonnante sagesse de son Père.
Et pourtant, les larmes continuent de couler. Ma famille me manque. Je suis fatigué d'avoir le sentiment d'avoir été forcé de mener ce combat sans eux à mes côtés. Au moment de rédiger ces lignes, près de trois mois se sont écoulés depuis la dernière fois que j'ai eu le droit de serrer ma mère dans mes bras. Pour mon père et ma fiancée, Sabine, cela fait bien plus longtemps que cela.
Parfois, je me demande même si je les reverrai un jour.
Est-ce que je vivrai jusqu'à la fin de l'été ? Ou jusqu’à mon 45e anniversaire cet automne? Ou bien l'incroyable se produira-t-il et me sera-t-il permis de vivre encore cinquante années supplémentaires de vie longue et saine ?
Il n'y a tout simplement pas moyen de savoir. 

Je ne veux pas mourir. Je ne veux pas penser à la douleur que cela causerait à ceux qui m'aiment. Je suis accablé même par la douleur que je ressens en pensant à tous les moments qui me manqueraient.
Et pourtant, je ne crois pas que toutes les joies potentielles d'une vie puissent être comparées à un seul moment vécu dans la présence de mon Dieu. En creusant dans la crasse de la désillusion, de la déception voire même de la dépression occasionnelle, on commence à voir clairement la beauté et la promesse qui ont été préparées avec amour pour chaque jour.
Ma vie est donc un véritable paradoxe. Alors que mes yeux pleurent, mon cœur se réjouit souvent. Lorsque mes jambes s'affaiblissent sous le fardeau, mon âme est renforcée par la foi. Alors que mon corps est ravagé par un mal, mon esprit s'élève avec l'espérance d'un jour nouveau.
Pour moi, en effet, la vie, c’est Christ, et mourir représente un gain.

Alors comment gérer cette dichotomie apparemment délirante ?
Je fais simplement ce que je fais toujours. Je me lève chaque matin avec de l'espérance dans le cœur, avec un sourire sur le visage et je fais un pas en avant. Je ne sais pas faire marche arrière. Je ne me laisse pas distraire par la gauche ou par la droite. Un homme (ou une femme) de foi va toujours de l’avant. C'est ce que nous faisons. C'est ce que nous sommes.
Quand je me sens dépassé à un certain moment ou même durant un certain jour sans réussir à contenir les larmes, sans réussir à faire cesser la douleur, je me laisse un peu aller, donnant du crédit à la réalité des faits me concernant. Je ne suis pas légaliste avec moi-même, dans une mauvaise position d’hyper-religiosité qui me ferait croire que les peurs sont en quelque sorte contradictoire à la foi. La douleur doit s’exprimer quelque part, alors je la laisse s’exprimer.

Mais je choisis toujours de ne pas rester dans une telle posture.
Chaque moment, chaque jour, chaque semaine, je choisis de croire. Je donne accès au Père aux profondeurs de mon cœur, et sa paix extraordinaire, merveilleuse et guérissante calme mon âme.
Le paradoxe de ma vie est qu'elle est à la fois terriblement effrayante et merveilleusement extraordinaire.
Mais je détiens le pouvoir de tout surmonter.
Et c'est la raison pour laquelle je choisis tout simplement de croire.

Jeff 

4 commentaires:

  1. Merci Jeff pour ce partage émouvant, pour ta sincérité et ta foi. Merci pour ton courage dans ta faiblesse. Merci, merci, merci.

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  2. Jeff, tes mots nous rapprochent de toi toujours plus. Nous prions pour toi avec mon mari. Tu écris si bien, qu'il nous semble que tu es là, tout à côté de nous. Merci Jeff pour qui tu es. Nous t'aimons.

    Jeff, your words get us closer to you even more. I and my husband, we pray for you. The way you write is so beautiful that it's like you are by our side right now. Thanks so much Jeff for who you are. We love you.

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  3. Merci beaucoup Nathalie, Jeff aura la possibilité de lire ce commentaire dans la lettre qui lui parviendra demain.
    Si jamais, Jeff est presque parfaitement francophone, mais merci pour l'effort d'écrire en anglais! :-)

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N'hésitez pas à commenter en français, Jeff maîtrise bien cette langue!